Sauvetage in extremis de l’Impérial par Québecor
En rachetant, pour un peu moins de 5 millions de dollars, presque toute la dette hypothécaire du Cinéma Impérial, Québecor permet à la famille de Serge Losique de ne pas en perdre la possession. En échange, Québecor devient locataire prioritaire de la salle et compte y présenter non seulement du cinéma, mais d’autres types d’événements culturels.
« C’est un jour très heureux aujourd’hui. Inutile de vous dire que la soupe commençait à être chaude. Donc, nous poussons un grand soupir de soulagement », a convenu hier, en conférence de presse, François Beaudry-Losique, fils de Serge Losique et directeur général de l’Impérial.
L’entente, faite à l’initiative de Québecor, a été bouclée lundi soir à 18 h.
« En M. Péladeau, nous avons trouvé un partenaire, un homme de grande culture, a de son côté déclaré Serge Losique. Ensemble, nous allons sauver ce temple de la culture unique à Montréal et peut-être au Canada. »
Ce sauvetage survient à 48 heures du début de la 41e édition du Festival des films du monde (FFM) que pilote également Serge Losique. Même si le FFM et l’Impérial sont deux entités distinctes, leur sort est intimement lié, encore plus au cours des dernières années.
Depuis le milieu des années 90, l’Impérial appartient à un organisme sans but lucratif (OSBL) géré par Serge Losique. Or, ce dernier est aussi le grand patron du FFM, miné depuis quelques années par des problèmes financiers attribuables au retrait de toutes les subventions du secteur public. Pour garder la tête hors de l’eau, M. Losique a contracté des prêts chez des financiers privés, mettant l’édifice de l’Impérial et sa propre ferme des Cantons-de-l’Est en garantie.
Or, en avril, les plus importants prêteurs, Michel Constantin et Denis Hébert, ont exprimé leur impatience et menacé d’exercer leur option de saisir l’immeuble s’ils n’étaient pas remboursés dans les 60 jours. Le 25 juillet dernier, nouvelle tuile, Hydro-Québec coupait l’alimentation électrique dans la salle de projection.
L’entente d’hier vient remettre les compteurs à zéro. La dette existe encore. Mais elle est passée chez Québecor, dont le président et chef de la direction, Pierre Karl Péladeau, parle d’avenir pour les lieux dont il compte préserver la vocation culturelle.
« Le milieu culturel était préoccupé, inquiété, depuis les dernières semaines, dit-il. Serge et moi avons échafaudé des projets d’avenir pour le théâtre Impérial. Les annonces viendront en temps et lieu. Ce trésor de notre patrimoine sera préservé avec toute l’attention requise et reprendra ses lettres de noblesse. Les entreprises ont une obligation morale et éthique de protéger notre patrimoine. Pour moi, c’est une importante motivation. »
Répondant à une question des médias, M. Péladeau a évoqué la possibilité d’utiliser la salle pour la projection régulière des films du répertoire d’Éléphant, organisme financé par Québecor et voué à la restauration et à la préservation de films québécois. Il évoque aussi la possibilité de présenter des spectacles musicaux.
En devenant locataire prioritaire, Québecor aura l’option sur les dates d’occupation du théâtre, à 30 jours d’avis. Les contrats signés avec des locataires extérieurs dans les prochains mois (par exemple, Cinemania) seront respectés. Les noms actuels – Centre Sandra et Léo Kolber et salle Lucie et André Chagnon – seront préservés, a dit M. Péladeau.
Le soupir de soulagement que d’aucuns poussaient hier pourrait cependant être de courte durée. Car le deuxième créancier en importance de la salle, No Limit Loans, affirme ne pas avoir reçu encore un sou dans ce sauvetage. « C’est grâce à nous si les employés du FFM ont été payés lors de l’édition de 2016. Notre part d’hypothèque est de 250 000 $ et personne, chez Québecor, ne nous a appelés », a dit Yann Béliveau, président et fondateur de cette maison de financement privé.
Chez Québecor, le vice-président Affaires publiques et Communications, Hugo Delaney, reconnaît que la part d’hypothèque du créancier No Limits Loans n’a pas encore été rachetée, mais il rejette l’affirmation de M. Béliveau quant au manque de communication. « Nos avocats et les siens se sont parlé hier [lundi] et ce matin [hier], dit-il. Il existe des pourparlers sur les chiffres qui sont en cours. »
Le communiqué diffusé hier indiquait que Québecor « a ainsi procédé au rachat de la lourde dette hypothécaire » de l’Impérial. Lorsque, en mêlée de presse, il a été demandé à M. Péladeau si tous les créanciers avaient été remboursés, ce dernier a répondu : « Je pense, tous les créanciers ».
Les 250 000 $ que réclame Yann Béliveau représentent 5 % de la dette hypothécaire. Le reste aurait été payé à la suite de l’entente entre Québecor et l’Impérial.